A partir de 1987, Johannes Blum a mené des entretiens vidéo avec plus de 1.300 survivants des camps de concentration et d‘extermination, des résistants juifs et non juifs, des enfants cachés et d‘autres survivants de la Shoah. Comment en est-il venu à consacrer sa vie à la mémoire ?
Johannes Blum est né le 23 décembre 1942 à Salzbourg de parents allemands. En 1945, sa mère a déménagé en Allemagne avec lui et sa sœur. Son père a été porté disparu. Lorsque Johannes a rencontré un résistant belge en 1963, il a essayé de parler à sa mère de l‘attitude de la famille envers le national-socialisme. A cette époque, cependant, ce sujet n‘est pas abordé, car les Allemands se considéraient tous des « victimes » du régime hitlérien.
Se réconcilier avec le passé et rencontrer des survivants
Johannes porte le poids d‘un passé insupportable:
Les Allemands ont entretenu l‘image de leur propre victimisation sans se rendre compte qu‘ils en avaient fait d‘autres victimes. Je me suis distancié de ce pays, qui a franchi pour moi la ligne rouge avec Auschwitz, entre autres.
(Entretien Johannes Blum, article Paul Vaute, La Libre Belgique, 2003)
En 1969, il s'installe définitivement en Belgique et obtient la nationalité belge. Il étudie la philologie allemande et l'histoire à l'université Saint-Louis de Louvain. À partir de 1973, il donne des cours d'allemand en tant que professeur de lycée. Il rencontre des personnes qui ont fait partie de la résistance et il ressent leur réserve à son égard.
En 1987, Johannes Blum rencontre les survivantes de la Shoah Sonja Goldmann, Sarah Goldberg, Maryla Dyament-Michalowski et Hélène Weissberg et les accompagne à Fröndenberg dans le Sauerland pour une manifestation du souvenir.
À la fin de la guerre, la société Weichsel-Union-Metallwerke basée à Fröndenberg avait une succursale à Auschwitz, dans laquelle les détenus du camp de concentration Regina Saphirstein, Alla Gärtner, Ester Weissblum et Rosa Robota devaient effectuer des travaux forcés. Les femmes ont réussi à faire sortir clandestinement des explosifs de l'usine sur une plus longue période. Elles ont permis le soulèvement armé des prisonniers du « Sonderkommando » dans les crématoires III et IV d'Auschwitz-Birkenau le 7 octobre 1944. Après des mois de torture, les quatre résistants sont exécutés le 6 janvier 1945 sur la place d'appel. Les femmes accompagnées de Johannes Blum étaient des camarades des quatre résistants.
Les Compagnons de la Mémoire
En écoutant les histoires de ces femmes, il réalise à quel point il est important de les garder pour les générations futures. Dans le but de documenter des entretiens avec des témoins contemporains, il fonde en 1993 l‘association Les Compagnons de la Mémoire qui, entre
autres, attire l‘attention des élèves sur les réalités d‘hier avec l‘enregistrement d‘entretiens, des publications et l‘organisation de rencontres et en même temps, les ponts que l‘on veut construire avec le présent.
Selon Johannes Blum, les témoignages nous transmettent des valeurs essentielles pour aujourd'hui et pour demain, tant pour notre vie privée que pour notre vie publique.
L‘œuvre d‘une vie
Au fil des ans, Johannes Blum a réalisé de nombreux entretiens et considère cela comme l‘œuvre de sa vie.
En 1991, il réussit à faire ériger un mémorial pour le Père Bruno Reynders et à retrouver plus de 300 enfants qu‘il avait cachés pendant l‘occupation allemande. En 1993, il publie le livre : « Résistance. Père Bruno Reynders. Juste des Nations ». En 2003, il se tourne vers le Musée juif de la Déportation et de la Résistance, aujourd‘hui Kazerne Dossin, à Malines. Sa collection sera incluse dans les archives du musée et sa collection se trouve également à la Fondation Auschwitz à Bruxelles.
En 2016, Johannes Blum a reçu le prix « Mensch de l‘année » du Centre Communautaire Laïc Juif en signe de reconnaissance pour son travail de pionnier. CM